épiphanie
Un homme.
L'homme
J’aime bien quand les femmes relèvent leurs cheveux. Elles lisent, regardent le paysage par la fenêtre du train, s’adonnent à un travail exigeant quelque concentration. Et leur main se lève doucement. Elle saisit une mèche, le plus souvent une poignée de cheveux. Sans aucune brusquerie ou violence. Même les femmes qui ont des mouvements heurtés, imprévisibles, même celles-là. Une complicité entre main et crinière. Même s’il n’y a pas de crinière. Comme si la main agissait d’elle même. La femme ne s’aperçoit de rien. Et pourtant c’est comme si tout son corps le savait. Une harmonie. Même la lumière est complice. Le plus souvent. Elle caresse les cheveux. Comme la main. Un moment de tendresse, de sensualité. Autorisé. Devant tout le monde. Mais tellement discret, tellement naturel... Et puis, qui regarde ? Personne... Moi peut-être. Mais c’est quoi, moi ?... si loin de cette harmonie, exclu... Des fois, j’essaye de prendre ma revanche. Ma main monte doucement vers ma chevelure... vers ce qu’il en reste... Ça marche moins bien... La lumière peut-être... Et puis je ne peux m’empêcher de jeter un regard, oh, petit le regard, discret... Des fois que quelqu’un me regarderait... une femme... des fois qu’elle se dirait : j’aime bien quand les hommes relèvent leurs cheveux... et qu’elle rentrerait chez elle, songeuse... et qu’elle écrive un texte... qu’elle garde cette image... j’aimerais bien, même une seule fois, contribuer, un tout petit peu à l’harmonie du monde.