au diable (suite 2)

Et je suis allé sur Ebay. C'est étrange, presque drôle, cette façon de dire. Je suis déjà allé sur des fleuves, sur des lits, sur des femmes tous toutes m'ont porté, supporté. Mais comment aller sur ce qui est tissé avec les fils virtuels de nos songes mercantiles ? Sur Ebay donc. J'ai un peu tâtonné parce que je n'y étais jamais allé. Pour la tentative devant les Galeries Lafayette, j'étais mieux armé, ayant observé soigneusement comment les autres s'y prenaient. Ensuite, il suffisait de transposer, en fait de changer ce qui est écrit sur le carton. Sur Ebay donc. Je me suis dit qu'il ne risquait pas d'y avoir de la concurrence mais j'ai tout de même voulu vérifier. Et de la concurrence, il y en avait. Quelqu'un vendait la sienne pour 10 yuans. Et 10 yuans, ça fait 1,23 dollars. Les enchères, ce jour là, elles atteignaient 681 yuans. Et 681 yuans, ça fait 84 dollars. J'ai pensé la mienne devrait valoir quand même beaucoup plus cher car autrement consistante, lestée qu'elle est de tradition judéo chrétienne et de références livresco-opéra-filmiques. Parce que la consistance de celle d'un chinois qui, même jeune, avait baigné dans une pensée, le mot est peut-être un peu fort, qui au mieux niait son existence, au pire n'envisageait même pas qu'une telle chose puisse exister, n'avait peut-être même pas de mots, de caractère pour exprimer le concept, la consistance de celle d'un chinois donc ne pouvait être que sujette à caution. Cet homme se faisait des illusions ou n'était qu'un arnaqueur. Et il cassait les prix. Me séparer de la mienne, certes, mais pour 84 dollars… D'autant que rien ne prouvait que lui, était parmi les enchérisseurs. Pourquoi irait-il sur la Toile ? Vous me direz que les chances pour qu'il passe devant les Nouvelles Galeries pendant les quelques heures où je m'y suis trouvé avec mon carton ondulé sont tout aussi minimes. Je sais, l'espoir commence quand il n'y a plus aucune raison d'espérer. C'est ce qu'on dit. C'est ce qu'on dit.