Gapettes
Un homme Il regarde une photo de Willy Ronis
On devrait toujours regarder les manifestations du haut d'un balcon. Parce qu'on voit les têtes. Le dessus des têtes. Fut un temps, ancien, où les têtes étaient couvertes. Toutes. Par des casquettes. Pas le genre américain à visière. Non, de vraies casquettes. Des casquettes de voyous. Ou d'ouvriers. Une mer de casquettes d'ouvriers. Les calvities, on ne les voyait pas. Les cheveux gris, on ne les voyait pas. Les blonds, les châtains, les bruns, les auburn, les rouquins, on ne les voyait pas. On ne savait pas qui était jeune, qui était vieux. Rien que des casquettes. Et quelques chapeaux. De Bastille à République, des milliers de casquettes. De gapettes. On disait comme ça : des gapettes. Et pas de banderoles. On n'imagine pas qu'ils puissent crier, scander "gna gna gna / gna gna / /gna gna gna / gna gna". Juste une colère dans la tête. Et la gapette dessus.